Haití: Duvalier y el autoritarismo en el fútbol

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Une tranche d’histoire sportive entre effusion et oppression

Un projet longtemps caressé par le professeur Patrice Dumont aboutit enfin. Effectivement, avec patience et ténacité Patrice a mené des recherches sous forme d’entretiens avec des personnalités diverses et consultation de vieux journaux. Malgré le passage du temps, il n’a jamais dévié de l’objectif : montrer et expliquer les rapports de François Duvalier avec le monde du football. «Duvalier et le football haïtien» (sous-titre : Un contrôle totalitaire) est le fruit de ses cogitations, de ses échanges avec les uns et les autres et surtout de ses nuits de veille (pour employer une expression à la mode en ce temps-là).

Contribution à l’histoire sportive

Partant du constat de la nature totalitaire des rapports qu’a imposés le pouvoir duvaliérien au football haïtien, Patrice Dumont produit un travail d’histoire immédiate. Longtemps négligée, l’histoire sportive haïtienne trouve en lui un fougueux rédacteur avec son écriture châtiée (tout en nuances) et sa passion pour la littérature contestataire. Longtemps j’ai regretté l’unique apport de Louis Chauvel «Mémoires, Le football haïtien à travers les âges» dans la constitution de l’histoire du football haitien. En 1994, Patrice Dumont célébra le vingtième anniversaire de la participation d’Haïti à la Coupe du monde de football en publiant «Haiti à Munich, 20 ans après». Ce n’était pas à proprement parler un travail d’histoire. Le but poursuivi était la mémoration de l’événement. Patrice en profita, dans la seconde partie, pour exposer ses vues sur la meilleure manière d’organiser institutionnellement la pratique du football chez nous.

En mai 2015, sort enfin son livre «François Duvalier et le football haïtien» pour contribuer à l’écriture de l’histoire dans ce domaine. L’évolution est donc logique : le célèbre et populaire chroniqueur sportif devient aussi historien.

L’obsession du contrôle

Ce serait exceptionnel si l’Haïtien, dans toute situation, ne cherchait pas à en prendre le contrôle. A la maison, l’un des époux prend le contrôle. Au bureau. Dans une entreprise. Dans un club de football. Dans la curie d’une église. Dans un ministère. L’Haïtien (ne) ne pense qu’à prendre en main. Comment, par rapport au football, il en serait autrement pour un non-démocrate qui tient les rênes du pouvoir ? Le contrôle fut total. Et pour emprunter au titre de l’ouvrage «La tentation totalitaire» de Jean-François Revel, Patrice trouve totalitaire le contrôle de François Duvalier. Mais là où la pratique démocratique est inexistante et impossible, comment s’étonner que des espaces de liberté n’aient pas été abandonnés au (petit) monde du football haïtien ? Le contraire eût étonné. De ce côté-là, il n’y a pas eu de surprise. Le comportement totalitaire est même conforme à l’ethnologie haïtienne, à la formation historique de la nation.

Des moments douloureux

Evidemment, quand on veut tout contrôler, on réduit – quand ce n’est pas suppression tout court – les espaces de liberté. Quand dans la cinquième partie, titrée : «Inévitable violence : un crime et des incidents majeurs», Patrice évoque l’affaire Yvon Martin, puis l’incident au parc du Petit Séminaire Collège Saint Martial au cours duquel deux frères Vorbe et Marc Antoine Georges ont été sauvés de justesse, on revit la barbarie des années 1960. Dont nul n’était exempt. La narration de l’horreur absolue se poursuit avec les tracasseries faites à L’Eclair du Cap-Haitien, le club rebelle. À Port-au-Prince comme au Cap-Haitien, le football n’échappe pas à la suppression des libertés. C’est le mérite de l’historien du sport de raconter avec minutie les faits, de restituer une lourde atmosphère. La peur paralysa toute une société. Ceux qui avaient été élus pour protéger les citoyens en furent les bouchers, les persécuteurs, les bourreaux.

Évocation du cas de Max Montreuil

Personnellement, adolescent j’avais le cœur meurtri à l’emprisonnement de Max Montreuil que j’avais vu jouer au Parc Sainte-Thérèse. Des années après, par la relation faite par l’auteur de «François Duvalier et le football haïtien», avec soulagement j’apprends les conditions de sa libération. Des amis remuèrent ciel et terre pour sa sortie de la prison des casernes de Pétion-Ville.

Joseph Obas, avocat convainquant

Dans la sixième partie du récit, titrée : «Les footballeurs et le régime Duvalier», s’avancent, sur le devant de la scène, plus particulièrement Guy Saint-Vil et Claude Barthélemy (les chouchous de Roger), Philippe (le spécimen mulâtre à protéger), Yonyon (le député) et surtout Joseph Obas (l’avocat). Dans la mémoire du peuple du football, on se souvient de Zosil (Zo, fils de Sil) canonnier, bombardier, mais personne ne pouvait deviner qu’il a joué le rôle d’avocat de la défense auprès des puissants du régime pour obtenir la libération de Michel Hector, de son frère Jacques Obas, ou d’un cousin Cristomas Obas. Ses coéquipiers s’étonnèrent de la ténacité de l’homme pour plaider la cause de citoyens injustement emprisonnés. On pouvait penser qu’introduit auprès du chef suprême, il solliciterait des privilèges matériels. Mais non ! son souci a consisté à faire sortir des parents et amis là où on les avait expédiés pour mourir.

Difficulté d’écrire l’histoire

Je m’aperçois que je déflore ce que Patrice Dumont a réussi à recueillir auprès de ses interlocuteurs au bout de patientes recherches. Pour ceux qui ne facilitent pas la tâche d’écriture de l’histoire en se murant dans le silence, ils seront dépités. L’historien ayant choisi, malgré des revirements inattendus, de privilégier le factuel et non les généralités, les lieux communs. Dans un milieu où la peur de la vérité reste un lourd handicap, c’est le mérite du professeur Dumont de faire revivre une époque difficile et tragique, en choisissant comme thème de travail les rapports d’un contrôleur totalitaire avec le monde du football.

Un travail original

Avec le don de la narration, et malgré des références à des auteurs haut de gamme véhiculant des idées pas du tout à la portée du lecteur moyen, Patrice Dumont est parvenu à servir un travail original qui inaugure précisément et pour de bon l’écriture de l’histoire du football haïtien. À lire absolument.

Le Nouvelliste

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