Los paisajes: el leitmotiv del arte indigenista en Haití

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Les grands thèmes qu’ont proposés les indigénistes ont généralement été repris par les héritiers du mouvement. Certes, ils ont évolué parce que la vision des artistes a évolué et que dans les formes l’art aussi a évolué, englobant des langages nouveaux. Les thèmes ont évolué et surtout parce que, pour certains, l’espace de l’artiste est devenu celui de la ville. Il l’est aujourd’hui plus que jamais. En effet, c’est dans la ville que vit l’artiste. Il s’y s’inscrit par conséquent pour en faire l’expérience. Et s’il regarde encore la campagne, c’est souvent dans un rapport modulé par la vie urbaine. Dans la suite de ces propos sur l’héritage des thèmes indigénistes, nous allons considérer séparément la forme (l’aspect technique) et le sujet (contenu). En considérant forme et contenu dans leur ensemble, nous tenterons de donner un sens aux images.

Vu son importance pour le mouvement indigéniste, il est bon de commencer par le paysage. La peinture de paysage est par définition la représentation d’un site réel ou imaginé qui occupe la place la plus importante dans l’espace du tableau, constituant ainsi le sujet principal de l’œuvre et non simplement le décor pour une activité quelconque.

Comme on l’a vu chez Savain, le paysage était inspiré par la photographie. On ne parlera pas d’imitation de la nature, car, à la base, une photo est choisie parmi d’autres pour être le point de départ de l’œuvre. La technique «académique» donnera alors une image naturaliste qui pourra dire l’émotion, l’esprit et l’état d’âme de l’artiste. C’est ainsi qu’avec ses spécificités tropicales, on a considéré le paysage comme étant l’expression d’une identité régionale et locale. Le «pittoresque» était alors la qualité essentielle à rechercher afin d’atteindre et d’émouvoir le public cible : la «bourgeoisie» haïtienne.

Avec l’évolution des choses, le sujet a cessé d’être inspiré par une photo. Il est devenu, de préférence, le moyen de relater une expérience vécue directement face à la nature. Dans la forme, l’artiste a pu choisir des procédés autres, en dehors de l’académisme, des procédés mis à sa disposition par les tendances de son temps. C’est ce qu’a fait, par exemple, Maurice Borno en choisissant de traduire son expérience particulière dans un langage emprunté à Carlos Henriquez, peintre cubain de l’avant-garde, rencontré au Centre d’Art. On peut conclure ici que l’œuvre est devenue plus personnelle. Tout en étant transformé en une bourrasque de couleurs, l’image est encore un paysage que l’on peut même situer dans un moment précis : celui du soleil couchant. On constate ainsi qu’avec le temps, il s’est développé une tendance vers la stylisation. Dans un cas comme celui-ci, la couleur joue un rôle important ainsi que la simplification des formes et des masses. Une telle démarche conduit alors l’artiste vers l’abstraction ou presque.

Dans ce tableau de Éric Girault, par exemple, on distingue trois zones définies par des effets de surface différents. Dans la partie intermédiaire, sur un axe horizontal, on trouve des formes libres et massives de deux couleurs sombres qui sont rendues par une pâte plus épaisse. Elles scindent la surface en deux. En dessous, une zone abstraite faite d’application de couleurs différentes. Il y a là si peu de matière que l’on peut voir la texture de la toile. Au-dessus, une touche vigoureuse, dont on voit les traces, apporte les couleurs du ciel, du soleil couchant, des nuages. La forme a ici une importance beaucoup plus grande que celle du sujet. Mais comme dans le tableau de Borno, la mise en place des éléments dans notre esprit nous permet de lire l’image comme celle d’un paysage.

Joseph Jean Laurent avait sûrement entendu parler de la perspective linéaire qui fait apparaître plus petits les objets qui se trouvent plus loin de l’œil de l’observateur. Ne sachant sans doute pas comment construire les lignes de fuite, il a choisi de les traiter d’une manière tout à fait personnelle. Considérant le sujet, on voit un premier plan fait de palmiers et d’une haie fleurie. En arrière, il y a comme un écran fait de quatre triangles formés par des lignes qui convergent vers un point central. C’est là qu’on sent une tentative de créer une impression d’espace par une construction basée sur les règles de la perspective linéaire. Dans ces triangles alternent des zones abstraites et d’autres où se distinguent nettement arbres, arbustes et plantes. Proche du centre, dans le triangle du dessus, il y a un arbre qui se détache d’un fond lumineux. Ses dimensions réduites pousse à croire que l’artiste a voulu le montrer plus loin que cette végétation du premier plan. La forme ici domine tellement le sujet que ce dernier pourrait se perdre entièrement.

Cependant, malgré cette approche que l’on dirait maladroite, il est indéniable qu’il s’agit là d’un paysage qu’il nous est permis de percevoir en faisant appel à nos connaissances acquises. Et c’est là le grand intérêt de cette peinture.

Dans la peinture populaire, plus particulièrement, on peut noter la présence de personnages saisis dans une activité quotidienne. Leur présence étant très secondaire, ils sont de dimensions très réduites par rapport à l’environnement. C’est comme s’il s’agissait, dans un jeu de proportions, de donner une idée de l’étendue de cette nature. Alors, en dépit d’un léger aspect narratif, le sujet principal de l’œuvre demeure le paysage. Mais, habité ou pas, le paysage peut devenir l’expression de changements dans l’environnement.

Jacques Enguerrand Gourgue, pendant toute une période, a fait part de cette sécheresse qui affectait certaines régions de la campagne haïtienne. C’est dans une atmosphère grave que baigne le paysage dominé par des tons de terre d’ombre brûlée. Le petit cours d’eau a séché et les arbres ont soif. Le tableau est d’une désolation accablante que renforce même la présence de deux femmes essayant de survivre dans cet environnement. Plus jeune, Félix Defournoy traite du déboisement, ce désastre écologique dont la presse et les organismes humanitaires nous signalent incessamment l’ampleur. Dans un de ses tableaux, il met au premier plan un espace de misère, un espace dévasté. C’est l’image d’un coin de pays où les arbres sont abattus et changés en charbon de bois. Il est proche, même très proche d’un espace encore verdoyant, indiquant la menace qui pèse sur ce dernier où la vie en harmonie avec la nature pouvait être encore possible ou rêvée comme dans la luxuriance des grands espaces que nous peint Jean Adrien Seïde.

Publicado por Le Nouvelliste
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